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Eloge du Végétal – Chapitre 7: Mutations

Eloge du Végétal - Chapitre 7: Mutations

Portraits, évolution et métamorphoses.

7ème chapitre sur 7
Ce dernier chapitre, déjà annoncé par certains Tableaux, montre des transformations en figures animales, monstrueuses ou humaines.
Il préfigure le passage vers le Règne Animal, mais ceci est une autre histoire.

Souche No.2 - Licorne Multicorne

La Plateforme, Le Chenit, Vaud - Août 1997

Souche No.8 - Autre Tendance Pieuvre

La Petite Rolat, Le Chenit, Vaud - Août 1997

Souche No.7 - Main Coupée

Pré-Petit-Jean, Montfaucon, Jura - Novembre 1996

Souche No.1 - Clavaire

La Grande Rolat, Le Chenit, Vaud - Août 1997

Souche No.3 - Tendance Pieuvre

La Plateforme, Le Chenit, Vaud - Juin 1997

Souche No.4 - Couple à la Cigarette

La Petite Rolat, Le Chenit, Vaud - Octobre 1996

Souche No.5 - Chasseur Pressé

La Bassine, Bassins, Vaud - Août 1997

Souche No.6 - La Honte

Pré-Petit-Jean, Montfaucon, Jura - Novembre 1996

Les Souches

Petite réflexion personnelle

Elles habitent les forêts, les pâturages, les savanes et les déserts du monde. Elles sont particulièrement remarquables sur nos montagnes du Jura et des Alpes.

Etalées, massives ou tourmentées, élégantes, banales ou grotesques, végétales, animales ou étrangement humaines, les souches d'arbres sont autant de sculptures naturelles façonnées par les pluies, les vents, le sable et le gel, et par les grands animaux qui s'y frottent avec délectation. Chez nous, elles arborent de superbes gris nuancés, voire aluminés ou argentés, que la pluie noircit et le soleil exalte.

Auprès des populations animistes du monde, les souches sont investies du caractère sacré réservé aux demeures des esprits, et gare à l'agresseur qui oserait leur porter atteinte. Dans nos contrées, où l'on a trop appris à démystifier la nature, elles sont vues comme des choses mortes et dérisoires fondues dans le paysage (des "charogneries", comme on dit dans le Canton de Vaud, du "chenit", comme le décrètent les Jurassiens), quand elles ne passent pas complètement inaperçues, et ne parlent guère encore qu'aux artistes. Pourtant, malgré leur anonymat méprisé, ces reliques restent étonnamment nombreuses, et échappent miraculeusement au nettoyage des forêts et des pâturages. Négligence, ou perte de temps inutile que de les arracher et les emporter ? Peut-être, et c'est ce qu'en disent les campagnards. Et pourtant, je persiste à croire que c'est en vertu de croyances ancestrales, dont subsisterait une superstition inconciente ou inavouée, que les bûcherons les épargnent. Au fond, les paysans et les forestiers ne les respectent-ils pas comme un petit peuple intouchable et incontournable des montagnes, ami des vache, des gnomes et des fées ?

Après les premières rencontres, je suis retourné rendre visite à plusieurs des souches que j'ai photographiées, et, effectivement, les ai retrouvées presque intactes, avec un plaisir renouvelé. Quelques-unes avaient un peu changé au fil des saisons et des passages de bêtes; une autre, gracile, s'était affaissée. Mais je pense que la plupart resteront là encore longtemps, tacitement protégées comme indispensables au fragile équilibre des mondes visibles et invisibles.

Alain Thiévent - 17 janvier 1998, 0 h 56